mercredi 30 mai 2012

03 - Le visiteur

         Ne sachant pas vraiment ce que je pouvais faire de plus, je mis les peluches dans un coin du salon, à coté du grand écran de la télé. Je me réinstallais devant l'écran, et machinalement, je  jetais de fréquents regards à la fratrie colorée. L'émission terminée, je me changeais pour aller me coucher mais, je me figeais soudain. Lors de mon dernier regard à mes invités à fourrure, j'étais persuadée d'avoir vu les ours les yeux grands ouverts. Lentement, je retournais la tête vers ces jouets anodins. Un pas après l'autre, je m'approchais d'eux, pour finalement constater que j'avais rêvé : les ours, adossé à un mur, étaient tout ce qu'il y avait de plus normaux.
         Je finis de me changer en me disant que la fatigue était la responsable, et que je ferais mieux d'aller me coucher. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'étais couchée et je cherchais le réconfort dans les bras de Morphée.
         J'aurais dû regarder dehors, sur le balcon avant d'aller m'allonger. J'y aurais alors remarqué cette grosse gargouille assise au milieu de mon balcon, ainsi que ce mauvais regard qu'elle lançait. J'ai toujours trouvé les films d'horreurs profondément décevants, en particulier parce qu'à la fin, les enchaînements sont tellement prévisibles que je ne suis pas déçue. Par voie de causes à effets, je finis par définir les personnages de ces fictions comme des imbéciles patentés, d'autant que celui qui est intelligent meurt dans d'atroces souffrances dés le début. Mais confronté à la réalité, il faut bien l'avouer, on ne fait pas toujours attention à tout, désolée.
         Je n'eus l'impression que de n'avoir fait que fermer les yeux. Avant que la vitre de ma baie vitrée ne vole en éclats avec l'entrée de statue qui avait pris vie. Assise dans mon lit, cachée derrière la couette, je hurlais de terreur. Je l'avais vu, juste devant le futon, sa peau avait changé de consistance mais pas de couleur, ses yeux étaient rouges.
         Elle hurla un son extrêmement strident par-dessus mes cris, puis, d'un bond, elle se rua sur la place que j'occupais sur le futon. Mais le lit japonais glissa de son emplacement... et elle se retrouva à la place de ma précédente conquête masculine après avoir tapé le mur de la tête.
         Je hurlais de plus belle tandis qu’elle se reprenait pour m’attaquer de nouveau. Elle frappa, et par automatisme, je levais les bras pour me protéger. Je sentis la chair de mon bras gauche s’ouvrir sous ses griffes et je hurlais de plus belle tandis que je tombais à la renverse. Du coin de l’œil, je vis une masse grise se jeter sur la gargouille. Un combat s’engagea entre plusieurs protagonistes que j’eus du mal à identifier. Je me précipitais hors de la pièce, laissant ces choses se battre entre-elles dans ma chambre.
         J’attrapais mon téléphone portable tandis que je m’enfermais dans ma salle de bain. A la lumière du plafonnier, je vis mon bras en sang. Je le passais sous l’eau, et composais le numéro de téléphone des urgences et mis le blackberry sur haut-parleur.
         Pas de réseau.
         Je m’en rendis compte en me bandant le bras après avoir pris la trousse de premiers secours dans la pharmacie. Hors de la pièce d’eau, j’entendais le combat entre la gargouille et cette chose. Complètement stressée, je me battais avec mon portable cherchant du réseau dans la salle d’eau tandis que mon appartement était mis sans dessus-dessous par ces monstres.
         Au bout de mon quinzième essai infructueux, je me figeais. Les bruits, derrière la porte, avaient cessés.
         Je recentrais mon esprit sur le petit blackberry noir. Mais au bout de nombreuses autres tentatives infructueuses, et toujours sans informations provenant du reste de l’appartement, je me décidais à ouvrir la porte.
         Lentement, doucement, et sans bruits, je fis tourner le verrou de la porte. Ma respiration s’était stoppée tant ma terreur était grande. J’entrouvris la porte avec une extrême prudence. Au fur et à mesure que la lumière de la salle de bain s’étalait sur mon appartement je constatais les dégâts liés à ce qui s’était déroulé. Des cloisons de plâtre étaient couchées par terre laissant visible ce qui restait de la chambre. Le futon était déchiré et vertical là où se trouvait mon dressing. Les benzaitens avaient perdu leurs sourires, et étaient tombés au sol en accordéons. La baie vitrée était manquante elle aussi. Et le petit vent de la nuit, frais, entrait dans l’appartement. Machinalement, ma main droite chercha l’interrupteur du couloir. A ma pression, l’ampoule éclata en une gerbe d’étincelles qui m’éblouirent.
         Lorsque je rouvris les yeux, je vis les yeux de la gargouille derrière le futon. Elle s’était cachée dans mon dressing. Je fus totalement pétrifiée, comme une biche sous les phares d’une voiture arrivant trop vite. Lentement, je la vis écarter le futon en sortant du grand placard, puis se diriger vers moi. Je reculais à petit pas, totalement tétanisée par ce que je voyais. A moins de trois mètres de moi, je la vis se lécher les babines, savourant déjà le festin. Je voyais la mort, dans toute son horreur. Ce que j’avais devant moi n’avait rien en commun avec les effets spéciaux filmographiques : c’était réel.
         Quelqu’un siffla.
         Le monstre tourna la tête vers la droite pour en identifier l’origine, et prit en pleine face un four à micro-ondes doré. Sous le choc, il s’écroula de l’autre côté avec fracas. Ce sauvetage inespéré me sorti de la pétrification dans laquelle j’étais entrée. J’ignorais totalement qui se trouvait à ma droite, mais je me précipitais vers lui, ayant compris qu’il affrontait cette chose.
         Les peluches.
         Je ne voyais que deux oursons, accompagnés de l’armée de petites qui étaient sorties du sac. Le premier, vert, portait des couteaux, un dans chacune des pattes. Le second, le rose, faisait tourner le cœur au bout d’un câble comme une bolas. Je les dépassais en m’interrogeant encore sur le comment une telle chose était possible.
         Ils m’ignorèrent, fixés sur la gargouille, tandis que la minuscule armée se lançait à l’attaque de l’énorme créature comme des lilliputiens à l’assaut de Gulliver. Le monstre se mit à les écraser au sol, sans aucuns effets : les peluches se relevaient et se lançaient à l’assaut de nouveau. Il changea de stratégie et les propulsa contre les murs restant de l’appartement. Ce fut à ce moment que les deux ours attaquèrent eux aussi la créature de pierre. Ils furent rapidement repoussés, mais retournèrent à l’assaut immédiatement après. Le jet d’eau provenant de la salle de bain m’informa de la position de la troisième peluche. Il trempait la gargouille à l’aide de la pomme de douche. Le monstre de pierre se jeta sur lui, dans ma salle de bain. J’entendis les faïences se briser sous les coups, tandis que l’eau commençait à inonder l’appartement. L’ours vert attaqua de nouveau, le rose lança le cœur qui alla s’accrocher au plafonnier. En s’arc-boutant sur l’encadrement de la porte, le petit ours décrocha la lampe de sa chainette, et l’ampoule, toujours liée au circuit électrique alla se briser sur le crâne de la créature de pierre. Avec le plafonnier en chapeau-chinois sur le dessus de la tête, la gargouille fut électrocutée.
         Sous l’action du court-circuit, les plombs sautèrent. Nous laissant tous dans les ténèbres. Je ne sais pas combien de temps je suis resté debout, cachée, mais mon bras commença à me faire mal. Le silence, après les bruits de ce combat totalement impensable, était aussi pesant que ce qu’il s’était passé. On parle souvent de ces moments de calme après les combats, j’en compris tout le sens ce jour-là. car un silence pesant se fit sentir. Lorsque la lumière se ralluma enfin, ce ne fut pas de mon fait, mais je surpris deux ours, l’un au-dessus de l’autre pour atteindre le coffret contenant le disjoncteur.
         Quelqu’un frappa à la porte.
         J’ouvris la porte avec difficultés, mais le visage de mon voisin, en pyjama me rassura.
         « - Est-ce que tout va bien ? J’ai entendu des bruits.
            - Appelez la police, murmurais-je.
            - Mon dieu ! S’exclama-t-il en voyant mon appartement ravagé. Venez chez moi, on va s’occuper de vous. »
         Du coin de l’œil, je vis les peluches, qui, quelques instants plus tôt avaient livré un combat titanesque, totalement amorphes. Comme si elles avaient repris leurs fonctions premières.
         Les pompiers et la police arrivèrent quelques instants plus tard avec les gyrophares et les deux-tons. La police prit ma déposition, et, pour la première fois de ma vie, je mentis. Sincèrement, si je leur avais dit qu’une énorme gargouille avait affronté les bisounours dans ma chambre et que le combat s’était fini dans la salle de bain, je doute qu’ils m’auraient cru… Pour m’éviter l’asile psychiatrique, je dis simplement que j'ignorais ce qui s’était passé. L’enquête démontrera probablement que c’était une fuite de gaz…
         A l’hôpital, le médecin me rassura sur ma blessure au bras. Selon lui, elle était peu profonde mais très longue. Plus qu’une coupure, c’était une déchirure, je garderais une cicatrice à vie. Il m’avoua qu’il n’avait jamais eu à recoudre une blessure aussi moche. Mais je ne l’écoutais que d’une oreille distraite, mes pensées encombrées du combat de la nuit dernière. J’en vins à la conclusion qu’une seule personne pouvait me renseigner sur le sujet : le vieil homme.
         Je finis ma nuit à l’hôpital, et, rassuré sur mon état de santé, je fus dispensée de soins complémentaires au sein de l’établissement. Je rentrais donc chez moi, pour trouver l’appartement complètement détruit. Sans aucunes surprises, les peluches avaient disparues, tout comme la gargouille, dont le corps aurait dû être dans la salle de bain.
         Rien.
         Il ne restait aucunes traces des responsables des dégâts dans mon appartement. Je n’avais personne dans mon entourage à qui confier ce qui s’était réellement passé cette nuit-là sans passer pour une folle. D’après les voisins, un expert de mon assurance était passé dans la matinée pour évaluer les dégâts et leurs causes.
         Je m’assis sur mon divan, à cet instant précis, tout me paru bien futile. Mon travail, mon appartement, l’assurance,… Rien ne changeait le fait que ce qui s’était passé ici allait se reproduire. Tant que je ne saurais pas de quoi il retournait, je ne pourrais pas avoir la paix ni même démontrer ce qui m’arrivait.
         On frappa à la porte.
         Avec un soupir, je me suis levée et j’ai ouvert sans aucunes précautions. Je saturais. Réellement. Aussi, je fus à peine surprise en voyant le gothique derrière ma porte.
         « - Salut, ça va ? »
         Je ne répondit rien, mais je le vis regarder par-dessus mon épaule, et murmurer : « Tiens, il s’est encore déchaîné… » Je voulais des explications. Et j’étais persuadée que ce jeune homme pouvait me les fournir. Je m’écartais donc pour le laisser rentrer. Sans aucune gêne, il commença à se déplacer vers la zone de combat. Il pénétra dans la salle de bain, vit le mur de ma chambre manquant, ainsi que mon futon complètement détruit.
          De mon coté, je m'étais mise à la confection d'un café tout en surveillant mon invité du coin de l'oeil.

mardi 29 mai 2012

02 - La colocation du cimetière

     Je repris lentement connaissance, j'étais allongée dans un canapé en cuir, un coussin derrière la tête. Les propos d'une discussion, déformés par mon état second me parvenaient aux oreilles. Il semblait qu'il était question de ma présence, je ne me souviens plus vraiment. En plus, le mal de tête que j'avais ne me permettait pas de réfléchir correctement.
« - Fermez-la, elle reprends connaissance. Fit la voix d'une jeune fille devant moi. Comment allez-vous ?
- J'ai mal à la tête... grognais-je sans ouvrir les yeux.
- C'est un effet secondaire de ce qui vous est arrivé. Je vais vous chercher quelque chose. En attendant, ne bougez pas trop : vos articulations sont douloureuses. »
Comme pour valider ses paroles, et la douleur courra sur tout mon corps. M'arrachant une grimace. J'entendis des pas, les deux protagonistes de la petite discussion firent le tour du canapé et se tinrent devant moi. J'ouvris difficilement les yeux, pour voir, face à moi, deux hommes. Le premier approchait la soixantaine d'années, et se déplaçait avec une canne. Je ne vit pas bien son visage ou ses vêtements. Mais ses cheveux et les quelques rides lui donnait un aspect ancien. Le second était le gothique, il avait changé de vêtements et portait désormais un ensemble tee-shirt-jean-basket.
« - Hé bien, quelle nuit n'est-ce pas ? » M'interrogea le vieil homme.
     Mon esprit se remettait lentement en place. Avec une grande frayeur je me rappelais la violence de la précédente nuit. Ma première idée fut d'appeler la police. Mais j'ignorais totalement qui j'avais en face de moi. Etaient-ils amis ou ennemis ?
« - Qui êtes-vous ? Demandais-je, sur mes gardes.
    Le vieil homme, ennuyé, se retourna et alla s'asseoir sur un fauteuil en face de moi. Je vis alors son visage chauve et décharné qui me regardait à travers des lunettes rondes. Le gothique se contenta de croiser les bras en me regardant sans aucune expression.
« - Nous sommes... comment dire... des gens qui ont été blessés. Tout comme vous hier.
- Alors je vais appeler la police pour signaler l'agression. Vous pourrez témoigner. Me mis-je à espérer.
- Non. Vous n'avez pas de traces, pas de mobile, pas d'agresseur. Comment voulez-vous demander justice. Qui plus est, la justice des hommes est incompétente dans ce cas de figure précis. »
Tandis qu'il parlait, je soulevais le tee-shirt. En dehors de la douleur sur mon ventre, à mes articulations et dans ma tête, il n'y avait aucune traces de mon agression de la veille.
« - Avant que vous ne décidiez de partir ou non, j'aimerais que vous m'écoutiez totalement. Ensuite,... eh bien.. vous ferez votre choix. »
     Je me mit à étudier le vieil homme de la tête au pieds. Il portait un pantalon en velours brun, et une chemise blanche sur un tee-shirt de la même couleur. A ses pieds, une paire de chaussettes couleur crème dépassait de sandalettes en cuir. Entre ses mains, une canne en bois noueux lui servait à reposer ses mains. Mon esprit s'éclaircit un peu mieux et j'identifiais ce qui m'entourais avec un regard interrogatif. J'étais dans une maison qui paraissait ancienne au regard du mobilier et du papier peint aux murs. Le mobilier était en bois brut, travaillé et sculpté comme seuls des maîtres artisans expérimentés savent le faire. Ils étaient propres, vernis, et cirés, mais un œil attentif distinguait les ravages du temps et les différents accidents qu'ils avaient pu subir. Le mobilier de salon, notamment celui dans lequel j'étais allongée, ne dérogeait pas à la règle, et le mélange de cuir et de bois rendait l'ensemble aussi beau à regarder que confortable. Les murs étaient recouverts d'un papier peint vert avec d'immenses fleurs roses. Mais l'ensemble était terne et délavé. Le papier avait mal vieilli, ou alors il avait trop vieilli, je n'aurais pu le dire.
« - Tenez, c'est du paracétamol. Me dit une jeune fille en obstruant mon domaine de visibilité. Ca ne fera pas disparaître le mal de tête tout de suite, mais ça aura le mérite de faire baisser l'intensité de la douleur. »
     Je bu le verre d'eau trouble qui continuait à faire un bruit de fuite de gaz d'un seul trait. Je n'ai jamais aimé le goût. Je ne l'aime toujours pas. Aussi, l'ingestion d'un tel breuvage m'arracha une moue de dégout avant que je me mette à observer mon interlocutrice. Elle était asiatique, et habillée tout en fluo, comme un personnage de ces dessin animés japonais : une robe rose bonbon, une veste en plastique oscillant entre le jaune et le vert, et des bas noirs. Elle ne portait pas de chaussures. Son visage fin et juvénile contrastait fortement avec la sévérité qu'elle avait dans le regard. Ses cheveux était long et coiffés en pagaille.
« - Je sais que c'est pas bon, mais ça a le mérite d'être efficace. » Dit-elle en reprenant le verre et en repartant derrière le canapé. Ne me laissant pas le temps de la remercier. Dans le mouvement, elle découvrit une grande bibliothèque dans le style du reste du mobilier de la pièce. Elle était couverte de bibelots et de livres en tout genres.
« - Madame ? Puis-je avoir toute votre attention ? demanda le vieil homme après s'être éclairci la gorge.
- Mademoiselle. M'empressais-je de corriger devant le grand-père souriant.
- Mademoiselle. Veuillez m'excuser, je manque à mes devoirs. Ce que j'ai à vous annoncer sera plutôt difficile à croire, mais c'est pure vérité. Hier, vous avez fait une mauvaise rencontre...
- Plutôt deux fois qu'une ! je vais aller à la police dés que je sors d'ici...
- C'était un démon. »
L'information avait du mal à arriver à mon cerveau. Je n'y cru pas. Mais alors pas du tout. Pour quelqu'un réaliste et athée comme moi, croire à ce genre de chose relevait de la superstition dans le meilleur des cas, du grotesque dans le pire. Aussi, ma réponse fut-t-elle dans le même genre :
« - Bien sûr.
- Je suis content que vous le preniez comme ça.
- Elle se fout de nous, murmura le gothique pour expliquer ma réponse au vieil homme.
- Ha. » Fut la seule réponse qu'il put articuler en prenant conscience que je me moquais de lui. Il garda le silence tandis que je me redressais. J'avais un tel mal à la tête que je cru que mon cerveau était resté dans ma position allongée. Je me retournais pour voir un coin cuisine dans le fond de la pièce. L'asiatique s'était stoppée, et me regardais fixement. Lorsqu'elle parla avec colère, je remarquais son accent, chose que je n'avais pas remarqué jusqu'alors.
« - Moi aussi j'aimerais bien que ce ne soit que des foutaises. Mais vous faites et pensez ce que vous voulez : la réalité ne changera pas pour autant. Les Oni existent, et je te garanti qu'ils ont faim.
- Du calme Asami, intervint le vieil homme. Nous ne pouvons reprocher à notre invitée d'avoir du mal à nous croire.
- Tu l'as vu pourtant, disparaître en poussières.
- Je ne suis sûre de rien. Je veux aller porter plainte à la police.
- Jocelin, peux-tu appeler un taxi pour mademoiselle je te prie ? Mademoiselle, j'aimerais vraiment que vous restiez, ne serait-ce que pour écouter ce que j'ai à vous dire.
- Ca ne m'intéresse pas, vous êtes certainement un groupe d'escrocs ou un genre de secte. Laissez-moi tranquille !, dis-je en me levant.
- La sortie c'est par là. Y'a une station de bus au bout de la rue. » M'informa la jeune femme qui répondait au nom d'Asami.
     Ni une ni deux, je me précipitais d'un pas décidé hors de la maison. Dans le couloir qui menait à la porte, le gothique répondant au nom de Jocelin me tendit mon sac à main tandis qu'il annulait la réservation pour le taxi au téléphone. Je crois que ce fut la réservation la plus courte ayant jamais été enregistrée. Je sorti, et me retrouvais à dans la rue à coté du cimetière. D'un pas décidé, je me dirigeais vers l'arrêt de bus le plus proche. Après une vérification sur le panneau d'affichage, je m'assurais que le prochain bus ne passerais pas dans trop longtemps avant d'appeler ma chef. Avec une chance inouïe, elle comprit ce qui m'était arrivé, et m'autorisa à arriver plus tard dans la journée pour pouvoir aller déposer ma plainte. Ce soutient me conforta dans ma démarche logique et moderne de réparation du crime commis.
     Cela me prit toute la matinée, et, à ma sortie du bureau de police, malgré le papier que je tenais entre les mains ; qui prouvait que j'avais déposé plainte, j'avais la certitude que je n'avais pas été crue. Plus d'une fois, on me conseilla de retirer la plainte. Premièrement, le garage avait ouvert normalement et il n'y avait rien eu de signalé concernant une effraction ou des dégats. Ensuite, parce que je n'avais aucune trace du coup que j'avais pris. Pour finir, même si je retrouvais le coupable, ce serait sa parole contre la mienne, sans preuves, c'était perdu d'avance. Ce fut devant mon insistance répétée qu'il finirent par prendre la plainte.
Dés ma sortie, j'appelais ma chef pour lui signaler que je prenais ma journée, mes péripéties nécessitaient que je reprenne mon calme et mes esprits dans un endroits sécurisé : chez moi.
    A mon retour dans mon appartement, je pris une douche. Je sentais la sueur et le stress, j'en avais bien besoin. J'en profitais pour remettre toutes mes idées dans l'ordre nécessaire à la compréhension. Ces réflexions m'emmenèrent jusqu'à la dégustation d'une tisane devant la télé en peignoir. Je ne me rappelle plus ce qu'il y avait eut ce soir là comme film ou comme série. Mais je sais que je me repassais en boucle cette agression traumatisante dans mon esprit. Je tentais d'en comprendre tout les tenants en aboutissant, et je me maudissais que, dans ma panique, j'ai refusé les informations de la seule personne qui semblait savoir de quoi elle parlait : le vieil homme.
     Un vieil homme qui était resté gentil, poli, et extrêmement courtois alors que je m'étais conduite comme une horrible adolescente gâtée... ou encore sous le choc de ce qui m'étais arrivé. Je préférais me dire que c'était la seconde solution.
     Quelqu'un sonna à la porte de mon appartement. Je posais ma tasse de thé sur la table basse en verre de mon salon et pris la direction de l'entrée en m'interrogeant sur la personne qui pouvait se trouver derrière. J'ouvris le judas et regardais au travers, pour constater l'absence de qui que soit. Après la nuit précédente, je me mis immédiatement sur mes garde en interrogeant mon possible interlocuteur de l'autre coté de la planche de bois. Mais je n'eus aucune réponse. Je me précipitais à la cuisine et me procurais le couteau le plus long que je possédais avant de revenir près de la porte d'entrée. J'attendis, mais il n'y avait aucun bruit. De nouveau, je demandais à mon interlocuteur de se présenter. Mais il n'y eut toujours aucune réponse. Je mis la petite chaine qui permettait d'entrouvrir la porte avec une terreur non dissimulée avant de retirer les verrous. Par l'entrebâillement de la porte, je constatais l'absence de tout danger visible. La lumière du couloir était allumée, et je n'eus aucun mal à les voir : trois grosses peluches étaient assises devant la porte en arc de cercle. Je fermais la porte en la claquant, je ne comprenais absolument pas ce qui se passait, mais ce n'était pas normal. Je pris mon courage à deux mains avant de retirer doucement la chaînette de la porte. J'ouvris la porte d'un grand coup sec avant de me jeter dans le couloir, le couteau devant moi.
     Personne.
     Le couloir était vide. Seules étaient présentes les trois peluches. Je les regardais sans trop savoir quoi faire... Les filles de mes voisins jouaient parfois dans le couloir, je me dit que cela leur appartenait peut-être. Mais, au vu de l'heure, il aurait mal prit que je les dérange à une heure aussi tardive pour quelque chose d'aussi futile.
     Je pris les peluches avec moi et les installais sur le plan de travail de la cuisine pour mieux les observer. Elles étaient toutes du même modèle : un gros ours souriant de quatre-vingt centimètres de haut. Le premier était vert fluo, avec des lunettes de soleil en plastique, le second, rose, et tenait un petit cœur rouge brodé « je t'aime » dans une main, et le dernier, bleu clair avec un sac à dos violet. Sans trop savoir quoi en faire en attendant le lendemain matin, je m'assis face à ces trois jouets enfantins qui avaient pour autre point commun leurs ventres et le bout de leurs pattes blanches.
     Perdue dans mes pensées, je m'aperçus que j'avais laissé la tasse de thé dans le salon. Lorsque je revins, les trois ours étaient tombés du plan de travail. Je les y remis avant de reprendre mes réflexions. Pendant un moment, je fus persuadée qu'ils m'observaient. Mais je me convaincs finalement qu'il ne s'agissait là que de mon imagination. Soudain, je me mis à imaginer que ces trois peluches souriantes n'appartenaient pas aux filles du voisin : celui qui avait sonné à ma porte avait dû espéré que je les fassent entrer chez moi. L'esprit s'emballe facilement dans ce genre de situation : De la bombe à la caméra en passant par des micros, je me mis à tout imaginer. Je les fouillais, cherchant un possible système caché dans leurs corps de coton. Mais il n'y avait rien, même le sac n'était rempli que d'autres peluches plus petites.

01 - La rencontre

       C'était une journée qui avait commencé de manière tout à fait classique. Je m'étais levée dans mon petit appartement de banlieue parisienne, je ne me souviens plus le jour précis, mais je sais que les beaux jours revenaient. La lumière filtrait à travers les rideaux blancs de mon logement à Noisy-le-grand, et un beau soleil éclairait une journée qui se promettait d'être radieuse. Si j'avais su ce qui allait se passer, je crois que je serais resté couchée ce jour-là. Mon appartement, au troisième étage d'un immeuble était plutôt spacieux pour une femme seule, cent-cinquante mètres carrés ! Le rêve. Cinq pièces : salon, cuisine, chambre à coucher, sanitaires et un bureau qui me sert aussi de débarras. J'avais arrangé chaque pièce pour qu'elles aient des ambiances provenant de divers pays du monde. Pour la chambre où j'émergeais doucement du monde onirique, c'était dans le style asiatique, fait de blanc et de bois. En chemise de nuit, je m'étais levée et étais sortie en marchant sur l'épaisse moquette couleur de neige. Mes pieds s'enfonçaient sans bruits tandis que d'un œil, j'identifiais la petite statue asiatique d'un homme ventru et rieur.
« - Tu dois être le seul homme que je garde dans ma chambre plus d'une nuit. » Lui dis-je en souriant, et en me remémorant un bref instant ma dernière conquête en boite de nuit. Je sais que ça peu sembler étrange, une fille qui drague pour une relation ponctuelle, mais je revendique une égalité des sexes totale.
     Ma chambre est accolée au balcon, ce qui me permet de me réveiller avec le soleil, et sans réveille-matin. Elle est blanche, avec un futon deux places et une petite table basse sur laquelle la statuette est posée. Ma penderie est intégrée dans l'un des murs, et masquée comme les portes coulissantes en bois et papier fin comme dans les demeures japonaises. Sur les murs, des dessins de bambous verts et monochromes donnaient à la pièce un aspect calme et reposant. De part et d'autre de mon lit, des représentations de benzaiten jouant de la musique sur différents instruments, dansèrent sur leurs support plus long que large quand j'ouvris la fenêtre.
     Après une tasse de café de la veille, réchauffé au micro-ondes dans une cuisine à la décoration marocaine, où les murs, entre l'orange et le brun, peints au chiffons, reposaient mes yeux après la blancheur immaculée du blanc. J'aimais le patchwork de couleurs chaudes de cette pièce. Je dois bien l'avouer, ce qui m'avait posé le plus de problèmes, ce fut l'électroménager. Mais c'était chose réglée. Tout s'intégrait correctement. Je pris ensuite ma douche dans la petite salle de bain au style vénitien. Les murs étaient recouverts de personnages masqués, colorés, et élégants. Rapidement, la buée de la douche chaude se condensa sur les parois de carrelage peints. Je sorti et me retrouvais nue devant mon miroir encore embué. Malgré cela, je me mis à contempler les avantages et les défauts de mon corps. Pour une femme de trente-cinq ans, je me trouvais plutôt bien, allez, sept sur dix sur l'échelle des bombes. J'avais quelques formes, liées à la sédentarisation de mon métier. Malgré de fréquents passages dans les salles de sports, j'avais des difficultés à les faire disparaître. Des cheveux noirs et lisses effleuraient doucement mes épaules de couleurs blanches. Intérieurement, je me dis que quelques vacances me seraient profitables, de préférence avec une agence de voyage pour célibataires. Pourquoi ne pas joindre l'utile à l'agréable après tout : avec un peu de chance, je trouverai une personne avec qui partager ma vie. Mon visage, fin, et blanc, me demandait lui aussi un peu de rayonnement, de préférence, différent de celui produit par l'écran de mon ordinateur. Dans le miroir, je croisai mon propre regard, mes pupilles se resserrèrent dans cette étrange impression de se dire : je ressemble à ça... Mais mes yeux bruns ne pouvaient pas modifier la réalité d'une simple pensée.
    Rassurée sur certains aspects physique et plus soucieuse de certains autres, je quittais la pièce pour retourner dans la chambre m'habiller. Dans mon (ancien) métier, je me devais d'être toujours élégante, et sérieuse. Après avoir choisi des sous-vêtements conçu pour le sport, pour l'aspect confort (bien m'en pris !), Je sortit de l'armoire à glissière un ensemble tailleur et pantalon bleu marine, avec une chemise blanche ce serait parfait. Des souliers dans les mêmes tons complétaient la tenue. J'attrapais mon sac dans l'entrée avant de sortir de l'appartement. Dans l'ascenseur, j'allumais mon smartphone, utilitaire vital à la vie moderne. Yasmina , ma collègue de bureau, et chef, m'avait déjà envoyé deux messages, le premier pour me dire que M.Trucheau, boulanger de son état, était arrivé pour me rencontrer. Le second, pour me dire qu'il voulait que je maquille ses comptes. J'ai une certaine déontologie, et il est hors de question pour moi de maquiller autre chose que mon visage, et encore, légèrement. Je rejoignis rapidement mon cabinet comptable, et j'y entrais à mon heure habituelle, aux alentours de dix heures du matin.
     C'était un cabinet comptable tout ce qu'il y avait de plus banal, avec des murs blancs et la secrétaire derrière un petit pupitre en bois laqué. Le sol en moquette bleu masquait suffisamment le bruit des pas dans une entrée moderne avec des copies de tableaux de Dali aux murs.
« - Bonjour Marine. Comment vas-tu ? Ai-je demandé en prenant le courrier dans ma bannette, tout en évitant de la voir retirer le MP3 de ses oreilles.
- Bonjour Lena, ça pourrait aller mieux... Y'a un client pas content qui t'attend en salle d'attente.
- Ok, je m'en occupe. Et sois plus discrète avec ton baladeur, tu sais ce qui se passera si la boss t'attrape avec ça sur les oreilles ?
- Oui oui... » répondit-elle mollement en remettant l'oreillette à sa place, dans le creux de son oreille tandis que j'allais à la salle d'attente.
« - Monsieur Trucheau ? »
     Un homme rondouillard se leva. Je jugeais du personnage alors que celui-ci se dirigeais vers moi. Il portait une chemise blanche à manches courtes avec de fines rayures bleues, ainsi qu'un pantalon de velours et des chaussures en cuir. Il était du type hispanique, avec la tête, mal rasée, aussi ronde que son ventre. Sa toison pectorale, que certaines femmes auraient pris pour une preuve de virilité, ne pouvaient cacher la chaine en or avec un christ au bout. Les poils couraient ensuite sur les bras jusqu'à une gourmette d'un coté, une montre de l'autre. L'homme m'adressa un grand sourire en me disant « Bonjour » sans aucun accent.
     Il me tendit la main que je refusais, et, sans même l'emmener dans le bureau, je lui posais la question qui fâche :
« - Alors, est-ce que vous avez enfin mis en place des solutions pour pallier aux pertes financières de votre entreprise.
- Oui, mais ça n'a pas marché. J'espère pouvoir m'arranger avec vous pour que cela ne se voit pas.
- Commencez par me dire ce que vous avez changé dans la gestion de votre entreprise. »
Alors que l'homme gardait le silence, je compris qu'il cherchait une réponse. C'était triste de voir une entreprise familiale couler, mais que pouvais-je y faire, conseiller ? Ca faisait des mois que je m'y employais.
    Là, c'était la fin. Et il cherchait à me faire maquiller ses comptes.
« - Je suis désolé Monsieur Trucheau, mais soit vous mettez la clef sous la porte, soit vous vous trouvez un autre cabinet comptable.
- Je pensais justement à la seconde solution.
- Mais cela ne changera pas le problème.
- Nous verrons.
- A votre guise, Marine va vous donner votre dossier comptable. Je vous souhaite bonne chance. »
     Je laissai le petit homme là, et me dirigeais vers mon bureau. Cette partie de mon métier m'attriste beaucoup, aujourd'hui encore, quand j'y repense, je suis mélancolique. Mais qui a dit qu'il existait un métier facile ?
      Je m'assis dans mon fauteuil comme un sac de patates, ma journée commençait mal. Je venais de perdre un client, et ce n'était que le début de mes ennuis. J'allumais mon ordinateur tandis que je laissais la tristesse m'envahir en cherchant un endroit où poser mon regard. Le bureau, en verre et en métal, sur lequel était posé l'ensemble de mon matériel de travail : l'ordinateur, la calculatrice, un cahier, et un stylo plume. Le cadre photo d'une enfance révolue avec ses parents rappelait à mes clients que j'étais aussi une femme. Contre un mur, une armoire métallique contenait les dossiers nécessitant plus d'intérêts que les autres. A sa droite, une petite imprimante A4 couleurs pour l'édition des documents nécessaires. J'avais remplacé le Dali au mur par une œuvre qui me plaisait bien plus : une affiche du Film Star-wars épisode VI. Le quatrième mur, à droite de mon bureau était en réalité une immense fenêtre qui me permettait de voir ce qui se passait un peu plus bas dans la rue.
« - Salut. »
Yasmina, ma boss, me regardait depuis l'encadrement de porte
« - Bonjour, ça va ?
- Trucheau est parti ?
- Oui, désolée, il n'a pas ...
- Je sais, mais je me demandais quand est-ce que tu allais prendre la décision de le mettre dehors.
- Pardon ?
- Si tu avais maquillé ses comptes j'aurais dû te licencier.
- Je suis gentille, mais pas à ce point là.
- J'ai vu. Et cela tombe bien : j'ai plusieurs dossier qui ont besoin d'une assistante sociale patiente. Et vu que tu disposes des compétences, tu t'en occuperas. »
     Je pris mes nouvelles responsabilités comme un coup de poignard. Désormais, j'allais m'occuper des sociétés mal en point. Un vrai calvaire.
      La journée commençait mal, dans tout les sens du terme. Mais un rappel sur mon agenda informatique me signifia qu''elle pouvait mieux finir : Speed dating, ce soir, à vingt-une heure au café Gambetta.
« - Ok, mais si tu pouvais me laisser quelques autres dossiers histoire de me changer les idées de temps en temps.
- Comme tu veux, je t'en laisse deux ou trois. On se voit tout à l'heure pour le repas. »
     Le reste de la journée se déroula dans la continuité : mal. Je passerais ici sous silence l'ensemble des contrariétés qui ont émaillés cette journée. Mais, vers vingt heures, à la fin de ma journée de travail, j'étais comme une cocotte minute sur le point d'exploser. Ma capacité de tolérance largement dépassée, et mon stock de gentillesse journalière épuisée depuis quatorze heures trente, je me dirigeais vers le lieu du speed dating dans un état proche du boxeur qui monte défendre son titre.
    Là encore, dans la droite ligne de la journée, ce fut navrant. Beaucoup d'hommes se montrèrent intéressés, mais, pour moi, aucun ne valut le coup que je prenne un numéro de téléphone. Entre le célibataire endurci qui cherche quelqu'un pour partager sa vie sans faire de concessions, le type qui cherche une histoire d'un soir, et celui qui habite encore chez ses parents et qui n'a pas de boulot... Autant dire que j'ai vraiment perdu mon temps. Je sorti avant la fin de la soirée, ne voyant aucune raison particulière de m'y attarder.
Je me dirigeais vers mon lieu de résidence quand cela s'est produit. A cette heure, en pleine semaine, et dans un quartier résidentiel, les rues sont vides. Je n'ai pas vraiment peur d'être agressée, en particulier parce que j'ai un taser dans le sac. Mais, j'aurais vraiment dû changer de trottoir quand il est arrivé en face de moi.
     Un gothique, vingt-cinq ans, avec une pelle de chantier sur l'épaule. Il avait les cheveux rasés, et des piercing un peu partout sur le visage. Un visage blanc et soulignés à certains endroit de noir et de mauve. Son long manteau de cuir noir, posé sur ses épaules, était ouvert sur un ensemble qui aurait pu appartenir à des participants d'une soirée sadomasochistes. Chaines, piques, menottes, rien ne manquait. Réel ou décoratif, je n'en savais rien. Mais je ne quittais pas le personnage des yeux tandis que nous nous croisions sur ce petit bout de trottoir bitumé. Il sentit mon inquiétude, car, pour me rassurer, il m'adressa la parole d'un « Bonsoir » poli avant de poursuivre son chemin sans se retourner. De mon coté, je ne pu détourner le regard de cet étrange individu qu'une fois qu'il eut fait une quinzaine de mètres derrière moi.
Je repris alors mon chemin. Ignorant que, par inadvertance, il venait de changer mon destin. Au bout de vingt mètres environs, il y avait un petit garage. Je fut violement attrapée et jetée à l'intérieur. Sur le coup, de la surprise, je ne sus quoi faire. Mais j'eue tout de même la présence d'esprit de mettre la main dans mon sac pour attraper le taser.
      J'identifiais mon agresseur, un homme, la trentaine. Je ne me rappelle plus du reste, c'était trop confus, et, avec le recul et la peur, je me dis qu'une description serait totalement incongrue. En revanche, je me rappelle parfaitement ses yeux : ils étaient rouges, et lumineux dans cette pénombre.
« - Enfin je te tiens !
- Mais vous êtes malade ! Laissez-moi tranquille ! Hurlais-je.
- Ne fait pas l'innocente ! Je t'ai sentie ! Bats-toi !
- Au secours ! A l'aide ! Hurlais-je tandis qu'il venait vers moi d'un pas décidé.
     La porte du garage ouverte sur la rue. Et lui, devant, me barrait tout espoir de sortie. Mon seul échappatoire, était les ténèbres du petit garage. Je m'y enfonçais, terrifiée par cet homme aux yeux de feu.
« - Allez ! Défends-toi ! Tu n'en sera que meilleure ! »
Je suis une femme, et mon esprit interpréta immédiatement le sens de ces paroles pour le traduire en un viol quasi-immédiat.
      Nous tournâmes ainsi autour d'un véhicule. Lui cherchant à m'attraper, et moi, me dérobant et hurlant. Il ne cessait de m'encourager à l'affronter, et je ne cessais d'appeler à l'aide. Les minutes passaient comme des heures et personne n'intervenait. Soudain, il fit un bond et atterrit sur le toit de la voiture derrière laquelle je m'étais réfugiée.
« - Mais à quoi tu joues catin ? » me demanda-t-il en s'accroupissant pour se mettre à ma hauteur, et descendre du véhicule.
      Je choisi ce moment pour utiliser mon arme. Le taser crépita sur sa poitrine. Puis, je reculais, l'appareil électrique encore entre mes main. Il était encore debout, et regardais alternativement mon arme et son tee-shirt.
« - Excuse-moi, tu voulais faire quelque chose ? »
     Je me mis à maudire le fabricant de cette arme d'autodéfense qui ne fonctionnait pas.
« - Laissez-moi tranquille ! Ou j'appelle la police !
- C'était peut-être ça que tu voulais faire ? » Me répondit-il, ignorant superbement la remarque aux forces de l'ordre. Le coup de poing fut extrêmement rapide et d'une violence telle que j'en eut le souffle coupé. Dans le même temps, mon esprit s'emballa, et je sentis que quelque chose cassait. Pas un os, pas un cartilage, ni même un muscle qui éclatait. Non, ça s'était brisé comme on casse une vitre ou un miroir. L'impact avait rayonné de mon ventre jusqu'au bout de mes cheveux. Mon esprit ne percevait plus les menaces, et mes réflexions furent extrêmement limitées.
      Tandis que je m'affaissais devant mon agresseur, encore sous le choc, je vis une qu'une autre personne se tenait dans l'encadrement du garage. L'homme était chauve et tenait une pelle de chantier. Le gothique.
« - Tire-toi ou je te bute ! Dit simplement mon agresseur sans desserrer ses dents.
- Fait ce que tu veux. Moi, je ne fais que regarder. » Répondit le nouvel arrivant, détruisant ainsi mes derniers espoir de sauvetage.
      A ma grande surprise, celui qui m'avait agressé leva la main gauche, telle une griffe, au-dessus de ma tête. Avant de la ramener au-dessus de mon front en un mouvement sec. Mon esprit hurlait que j'étais en danger, mais mon corps refusait de bouger.
L'homme recula de trois pas, totalement interdit. Il aurait dû se passer quelque chose. Quoi ? je n'aurais su le dire à ce moment là. Une chose était certaine, ce n'était pas quelque chose de bénéfique à mon égard.
« - Qu'as-tu fait, immonde bâtard ! Murmura mon agresseur en reportant son attention sur le gothique.
- Qui ? Moi ? Rien. Tu t'es gouré de cible tout seul, comme un grand.
- Mais alors !? Je...
- Ouaip. Tu t'expliqueras avec lui. »
      Mon attaquant se jeta sur le jeune homme en hurlant. D'un seul mouvement, rapide et précis, ce dernier le frappa d'un énorme coup de pelle sur le dessus du crâne. Cela eut pour effet de coucher son agresseur (et le mien, pour le coup) au sol devant lui. Après lui avoir mit quelques coups de pieds au visage, il se dirigea vers moi. Il s'accroupit, pour poser son visage en face du mien. Tandis que j'essayais d'inspirer comme une carpe hors de l'eau.
« - Pas facile de respirer hein... Pour lui... ne vous inquiétez pas : il est solide, il lui en faut plus. »
     Alors que mes yeux se reportait sur l'homme au sol, je vis qu'il changeait d'aspect. Il brûlait de l'intérieur, la fumée était rapidement éparpillée dans le vent. Devant mon regard fixé sur la disparition, le jeune homme se retourna pour constater l'étrange disparition en cours de progression.
« - Ah... Ouais... Va falloir que j'explique ça aussi... On a tout notre temps. Dit-il en me regardant de nouveau dans les yeux. Mais, pour commencer, le mieux est que vous dormiez tandis que je vous emmène en sécurité. »
     Avec le stress, l'inquiétude, et ce qui venait de se passer, je n'avais, à ce moment là, aucune envie de dormir. Mon esprit était tourmenté de questions que ma bouche ne pouvait prononcer. Pourtant, je perdis immédiatement connaissance quand il me toucha le front de deux doigts.

00 - Introduction

         Voilà qui est bien étrange, je ne me suis jamais confiée à qui que ce soit. Pourtant, mes mots vont arpenter ce livre, que j'écris en tentant de me remémorer tout ce qui s'est passé depuis que ma vie a basculé dans l'horreur. Sur le sujet, je ne sais pas ce qui est le plus terrible : Est-ce la vie que je mène actuellement ? Ou le fait que je m'y soit habituée... Je ne saurais le dire. Toujours est-il que je continuerais à chercher un remède à cette malédiction tant qu'un souffle de vie m'animera. Et rien ne dit que cela dure...
         J'ai longuement réfléchi sur le type de texte que j'allais écrire, et, la conjoncture actuelle, qui fait la part belle aux romans fantastiques contemporains (Twilight, Harry Potter, j'en passe et des meilleurs ! ), me fournit une opportunité en or pour conter mon histoire avec les codes de ce genre littéraire. La Brigade est totalement contre l'édition de ce document au plus grand nombre, mais bon, je ne leurs demande pas leur avis. Ce qu'ils m'ont appris doit être pérennisé, et enseigné à ceux qui en ont besoin. C'est une question de survie, et plus encore si j'ai bien compris...
         Autre chose, je ne veux pas être jugée sur ma vie ou mes choix. Je suis comme je suis, et je n'ai pas l'intention d'en changer.
         A vous qui lisez ce livre, si vous avez vécu ce que je vis, j'espère que mes erreurs vous empêcheront de les répéter. Si ce n'est pas le cas, que vous ne me croyez pas, que vous lisez cette histoire comme un roman divertissant, sachez que je ne vous en veux pas... Mais dans le cas où vous faites/ferez partie de ce nombre infinitésimal, ne venez pas me dire que je ne vous avais pas prévenu.
Lena Clanford