Le
week-end se passa sans autres incidents. Nous pûmes effectuer le
déménagement de mes affaires restantes durant les deux jours. J'en
profitais également pour contacter une agence afin de le mettre
en location. Je me dis que cela permettrais que l'appartement soit
occupé le temps que cette histoire d'âme brisée soit terminée.
Toujours est-il que je repris mon travail le lundi suivant. Les
derniers jours que j'avais passé avaient été très mouvementés et
lourds en révélations. Et la vie dans le petit cabinet comptable
n'avait pas été modifiée en quoi que ce soit. Marine et Yasmina
m'interrogèrent toutes les deux à la pause de midi, et, à ma
grande tristesse, je ne pus leur dire la réalité de ce qui s'était
passé. Je leur avais donc raconté une très belle histoire, bien
réaliste qui collait bien aux dégâts qui avaient eu lieu autour de
moi. Leurs réactions avaient été très différentes : Marine
avait absolument besoin de me dire qu'elle me soutenait moralement
dans cette épreuve. Quand à ma Boss, Yasmina, elle s'assura que
tout ce qui pouvait être fait l'avait été. Pour la suite, elle
m'annonça que si j'avais besoin de jours pour cette affaire, on
s'arrangerait.
Ce
fut donc après un bruyant soupir que je pris mon café à mon bureau
en étendant mes jambes. Mes yeux se posèrent alors sur le dossier
en cours. Je l'avais sorti pour vérifier les investissements des
différents responsables et leurs impacts dans le chiffre d'affaire
de l'entreprise. Une simple entreprise de terrassement.
Pourtant,
je me figeais.
J'avais
une sensation étrange. Comme une personne qui se trouve devant un
autostéréogramme, et qui, petit à petit, voit apparaître une
image parmi les plus horribles.
« -
Lena, on a un client. Un gros ! »
L'annonce
de Yasmina, à la porte, me fit sursauter.
« -
Héla, qu'est-ce qui se passe ? Me demanda-t-elle, tu es en sueurs.
- C'est bon, ça ira.
- Tu es sûre ?
- Oui, oui, c'est bon, je vais juste me passer un petit coup sur le
visage.
- Ok, je te l'envoi.
- Attends ! La stoppais-je. Je croyais que tu t'occupais des
gros clients, alors pourquoi est-ce que c'est à moi de l'accueillir
?
- Va savoir, il a été envoyé par une personne qui a fait tes
louanges à ce que m'a dit Marine. C’est Monsieur Hoppe. Allez, en
piste ! C'est quasiment gagné, à toi de ferrer. »
Yasmina quitta le bureau d'un pas motivé par les bénéfices et la
réputation que ce client allait nous faire.
J'eus
beau passer en revue toutes les affaires que j'avais pu avoir. Mais
je n'en vis aucune qui aurait pu mériter une telle publicité.
J'ouvris le placard pour prendre un classeur vide et le préparait à
recevoir les documents nécessaires à une expertise comptable
correcte. Pendant cette petite préparation, un sentiment de danger
imminent s'immisça en moi. Je pris le taser et le cachais dans une
des poches de ma veste avant d'aller chercher ce nouveau client.
« -
Monsieur Hoppe ? » Demandais-je à l'entrée de la salle
d'attente.
Juste
à ma droite, un homme en costume sombre se leva.
« -
Je vous en prie, appelez-moi Yvan. » dit-il en me tendant la
main.
Je
la lui serrais et l'observais de plus près. Il devait avoir dans les
quarante ans, avec un visage bronzé sur lequel commençait à
poindre les premières rides. Des cheveux noirs bien coiffés et des
yeux bruns complétaient le visage du personnage. Un costume de
grande marque noir, avec une chemise blanche et une cravate argentée
criaient sur tous les toits qu'il n'était pas dans le besoin. Son
autre main traînait une serviette en cuir brun qui avait vécu.
« -
Suivez-moi voulez-vous ?
- Bien sûr ! »
Je
le fis entrer dans mon bureau et lui proposa de s'asseoir. Ce qu'il
fit en me remerciant tandis que je fermais la porte. Puis j'allais
m'asseoir sans le quitter des yeux.
« -
Et bien monsieur Hoppe...
- Yvan, coupa-t-il.
- Bien. Yvan, vous cherchez donc un cabinet comptable pour votre
société. De quel genre de société s'agit-il ?
- Un cabinet d'avocats. Le cabinet Hoppe et associés.
- Une spécialisation ? » Demandais-je en prenant des notes
et en remplissant le dossier sur le qui-vive.
Il
avait annoncé être spécialisé dans la défense de crimes de sang
et toutes les autres affaires dont les avocats avaient du mal a
accepter de réaliser pour des problèmes d'éthique. Ce fut à ce
moment-là que je décidais de le couper, car j'étais persuadée que
c'était lui que j'avais en face de moi :
« -
Arrêtez Azraël. Que voulez-vous réellement ? »
Il
resta interdit un instant. Avant qu'il ne change complètement. Son
visage se modifia, pour prendre la forme de ce jeune homme qui était
venu proposer un pacte. Toujours ce même regards de braises et ce
sourire malsain.
« -
Un plaisir de vous revoir Mademoiselle Clanford. Vous m'avez démasqué
en moins de deux minutes... Décidément je me fais vieux. Vous
auriez au moins pu jouer le jeu jusqu'au bout : Sinon, cela
gâche mon plaisir. Dites-moi, Comment avez-vous deviné ?
- Une intuition.
- L'intuition féminine... Alala. Comme il serait intéressant que
les Succubes aient un tel sens. Et... Que voudrais-je selon vous ?
- Maintenant je sais me défendre. Faites attention. Dis-je, prête à défendre mon âme.
- Je n'en doute pas. Répliqua-t-il avec un petit rire signalant
qu’il ne se sentait aucunement inquiété. Mais ce n'est pas la
bagarre qui m'amène à vous Mademoiselle. Sur ce point, votre
intuition vous a fourvoyé.
- Je préfère être prudente.
- J'en conviens parfaitement. Dit-il en faisant un mouvement de
demi-cercle avec la tête. Mais je suis venu pour vous proposer des
informations qui ne manqueront pas de vous intéresser. »
Je
ne savais pas trop quoi penser à ce moment-là. Tout s'était
embrouillé. J'étais un peu comme un de ces petits dealers de
banlieue, assis en face d’un baron de la drogue Mexicain.
« Alors ?
Redemanda-t-il avec le sourire de celui qui sait tout et qui est
content de jouer avec les informations.
- Je vous écoute.
- Ah non, ce n'est pas aussi simple ! Tout se paye.
- Si c'est mon âme, vous pouvez oublier tout de suite. Répondis-je en
glissant ma main vers ma poche.
- Votre âme ? Voyons… Non, pas tout de suite. C'est trop
tôt. »
Ces
derniers mots, le démon que j’avais en face de moi les avaient
prononcés avec un plaisir non feint. Sa voix était posée et
extrêmement calme, presque envoutante. Je venais de lui annoncer que
j’étais prête à me défendre, pourtant, cela ne l’inquiétait
pas.
« -
Pourquoi avoir cherché à la marchander alors ? Demandais-je
alors, sur la défensive.
- Pour une comptable, vous faites beaucoup d’erreurs de calculs
je trouve. Tiens, d’ailleurs, j’avais une question à vous poser.
Est-ce que ce costume me convient ?
- Pardon ?
- La dernière fois que je suis sorti des Enfers, c’était sous
Napoléon. J’ai pu constater que la mode avant changé. Je me suis
donc rendu chez un couturier, et j’ai pris ce que tout homme
élégant porte dans la rue. Qu’en pensez-vous ?
- Je pense que vous n’en venez pas au vif du sujet.
- Non, en effet. Mais j’aurais voulu un avis objectif sur ma
tenue. Alors ?
- Elle convient à votre fonction. C’est suffisant ?
- J’aurais espéré un peu plus. Mais je vais m’en contenter.
Venons-en à la raison de ma présence en ces lieux. Je suis venu
vous proposer un petit marché. Ce n’est pas un pacte, c’est un
échange de bons procédés. Je tiens à préciser qu’à tout
moment l’un comme l’autre nous pouvons mettre fin à cet
arrangement. Il s’agit, pour vous, de vous occuper de la finance de
mon cabinet d’avocats, de mon côté, je m’engage à vous fournir
les informations qui vous intéresseront sur mes congénères ou
leurs objectifs. »
Il
est facile de dire, ‘’n’accepte pas : c’est un
piège !’’, mais, d’un autre côté, je pouvais disposer
de nombreuses informations. Je savais qu’il y avait une escroquerie
quelque part. Mais je ne savais absolument pas où. J’avais beau
chercher, je ne voyais absolument pas l’erreur dans cette équation.
Devant moi, Azraël continuais de sourire, se délectant de mon
hésitation. Je choisis d’accepter. Primo parce que je voulais des
infos, secundo, parce que cette arrangement pouvait être arrêté à
tout moment.
« -
C’est d’accord. »
Je
vis dans ses yeux qu’il était arrivé à ses fins. Il était
content de lui, et son sourire carnassier s’accentua.
« -
Bien, dans ce cas, je vais vous annoncer votre première nouvelle :
Alibaras a été libéré aujourd’hui.
- Qui est-ce ?
- Votre plus gros problème. C’est le responsable de votre état.
C’était à la base un démon mineur. Mais il a monté des échelons
par la force et est devenu un démon mediant, et il s’est cru
suffisamment bon pour attaquer une âme-brisée. Manque de chance, au
lieu d’en éliminer une, il en a créé une. Très particulière je
dois dire… Mais là n’est pas le sujet. Il a été condamné à
une peine dans les geôles de Musfir dans le troisième royaume et à
être dégradé. Il pourra récupérer ses titres et ses prérogatives
s’il répare son erreur.
- Vous êtes en train de me dire que je suis sa cible, exact ?
- Oui. Ne vous attendez pas non plus à ce qu’il vous attaque
seul : il a toujours des alliés qui lui sont fidèles.
- Attendez une minute ! Je n’y suis pour rien moi !
Dis-je, atterrée.
- Je n’ai jamais dit que c’était juste. Dites-moi, est-ce que
vous lisez les journaux ?
- Non. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec moi.
- Pas grand-chose pour le moment, mais vous devriez vous y
intéresser incessamment sous peu. Bien, je n’ai plus rien à dire.
J’ose espérer que mes comptes seront bien tenus.
- Ah non ! Ne croyez pas que vous allez vous en tirer comme
cela !
- Eh si. J’en ai déjà trop dit. Ce faisant, pour disposer
d’autres informations ; prenez bien soin de mes petits
protégés. Bisou. »
Je
n’eus pas le temps de répliquer, il disparut en un clignement
d’œil. Ne laissant que sa sacoche à coté de sa chaise. Je
restais sur le qui-vive, je n'avais aucune raison de penser qu'il
avait réellement quitté mon bureau. Je pris bien dix minutes avant
de me lever et de prendre la sacoche. Avec beaucoup de précautions,
je l'ouvris, découvrant tout les documents nécessaires à une
intégration dans les bases de notre petit cabinet comptable. Je
rangeais le tout dans la sacoche et la posais contre un mur en me
demandant quoi faire.
Mais
je savais le savais pertinemment : J'avais accepté de m'occuper
des comptes de ce cabinet d'avocat en échange d'informations.
J'avais eu des informations, et je devais maintenant assurer ma part
du marché. Mais, dans ma tête, je n'en avais aucune envie. Une
seule chose me motivait : la volonté d'en savoir plus. Et il
semblait le seul actuellement à pouvoir m'informer. Néanmoins, je
me dis qu'il faudrait que j'en parle au reste de la colocation...
Histoire de m'assurer que je n'eusse pas fait d'erreur.
« -
Bah... Où est passé Monsieur Hoppe ? Me demanda Marine en
entrant dans mon bureau. Une tasse de café dans les mains.
- Il est reparti, il était pressé.
- Oh ? Et tu le connais ?
- Un peu trop à mon goût.
- Je le trouve mignon moi. Un peu vieux peut-être, mais quand on
est pété de fric, ça ne compte pas, non ?
- Marine, dis-je le plus sérieusement possible, ne t'approche pas
de cet homme, il ne t'attirera que des ennuis.
- T'es jalouse ?
- Fait ce que tu veux Marine. Mais sache que tu perdras beaucoup
plus que tu ne l'imagines si tu le fréquentes. Je te le garanti. »
Elle
sortit un peu en colère, mais c'était un moindre mal. Autant lui
éviter l'Enfer tant que possible. Aurais-je pu lui dire la vraie
nature du personnage sans pour autant passer pour une folle ? Je
ne pense pas. Alors je fus heureuse de porter le costume de la
méchante de service en remplissant les documents nécessaires pour
pouvoir accéder au comptes de cette société. Je savais de manière
sûre qu'Azraël ne m'avait pas tout dit. Et j'étais persuadée que
je n'étais pas au bout de mes surprises si je me mettais à fureter
dans les comptes de ces avocats.
Le
soir même, au moment du dîner, je racontais à table ma petite
aventure. Tous gardèrent le silence, et je n'eus aucune confirmation
du bien fondé de ma décision ; ni même que c'était une
erreur.
« -
Faites attention Lena, me dit Alphonse à la fin du repas et de mon
histoire. Ce démon là à l'air bien plus dangereux que ceux que
nous affrontons généralement : il réfléchit. Par contre, ce
que je ne comprends toujours pas c'est cet intérêt généralisé
pour vous. Il va vraiment falloir tirer cette affaire au clair avant
de faire n'importe quoi.
- N'empêche que c'est un bel enfoiré. Même dans son nom il se
fout de nous ! » Lâcha Vanessa. Le repas terminé, elle
était allée se procurer une glace qu'elle mangeait avidement. Tout
le monde se mit à regarder la belle blonde avec surprise.
Lorsqu'elle le remarqua, la jeune femme se stoppa :
« -
Attendez, me dites pas que vous n'avez pas remarqué...
- Explique-toi s'il te plait demanda Paul, je n'ai rien compris.
- Yvan Hoppe. Yvan Hoppe, répéta-t-elle.
- Et alors ? Demanda Jocelin.
- Ok, je vais le dire avec l'accent anglais : ''Heaven
Hope'' »
''Heaven
Hope'', ou ''l'espoir du Paradis'' dans la langue de Molière. Le
choc fut important, et je compris que l'un de mes principaux
poursuivant jouait avec moi comme un chat sadique avec une souris. Le
plus terrifiant était que je jouais sans en connaître les règles.
Et en cas d'erreur, le dénouement ne faisais aucun doute.
4 commentaires:
comme d'habitude une suite!!!
il est comme même bizarre ce marché.
Etrange n'est-ce pas ?
Malheureusement, je ne peux rien dire sur le sujet au risque de spoiler l'histoire...
Désolé ^^
j'adore de plus en plus Azrael mais pareil, a quand la suite ? ^^
C'est en cours...
j'écris quand je peux.
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