La
cafetière chantait légèrement tandis que le jeune homme revenait
vers moi. J’en profitais pour mieux l’examiner. Il portait les
mêmes vêtements que lorsque nous nous étions rencontrés la nuit
précédente. Une combinaison de cuir noire avec une grande quantité
de ceintures larges et épaisses éparpillées sur un corps plutôt
maigre. Certaines s’enroulaient même sur ses jambes, et je
supposais qu’il en allait de même pour les bras, cachés par le
long manteau de cuir. Son visage portait un piercing sur le nez, un
autre sur l’arcade sourcilière droite et plusieurs sur l’oreille
gauche. Certaines ceintures, tout comme les épaules du manteau,
étaient cloutées, donnant à l’ensemble une tendance légèrement
médiévale. A ses pieds, une paire d’énormes bottes renforcées
de fer dans la continuité du personnage ne produisaient aucun son
lors de ses déplacements. Il s’installa en face de moi, de l’autre
coté de la pièce. Je vis alors que l’un de ses doigts était
recouvert par une bague armure articulée ornée d’une magnifique
tête de dragon argenté.
Je
servis le café dans deux mugs, je lui en tendis un en demandant :
« -
Êtes-vous responsable des dégâts dans mon appartement ?
- Qui ? Moi ? Non. Mais je vous présenterais à
l’occasion » S’empressa-t-il de rajouter.
J’allais
lui demander des explications mais il me devança :
« -
Dites, ça vous dérange si on se tutoie ? Parce-que moi, ça
m’énerve déjà.
- Non, répondis-je. A condition que tu m’expliques ce qui se
passe.
- Ok. Pour faire simple et court, c’est une chasse, et tu es le
gibier.
- Es-tu chasseur ? Demandais-je, sur mes gardes.
- Non, gibier aussi. »
Le
naturel avec lequel il me m’avait dit cela me laissa pantoise. Il
était également poursuivit par ces choses, et cela ne lui faisait
pas plus d’effets que cela. Il continua ses explications :
« -
En fait, avant-hier, c’était moi que ton agresseur cherchait. Mais
certains ne sont vraiment pas doués. Alors il nous a confondu, et
c’est toi qu’il a attaqué.
- Le vieil homme avait parlé de démons…
- C’est exactement ça. »
Il
but un peu de café, le sourire aux lèvres tout en guettant ma
réaction. Mais, sous le choc, je n’en eu aucune. Il continua :
« -
Le vieux s’appelle Alphonse. C’est la plus vieille personne que
je connaisse qui a vu son âme brisée, et qui soit encore en vie… »
Il
laissa sa phrase en suspends tandis que je prenais conscience que
j’étais probablement dans la même situation qu’eux.
« -
Une âme brisée… murmurais-je, inquiète en posant les yeux dans
le liquide noir de mon récipient.
- Oui. J’ai pas envie de te raconter des conneries, alors pour
des explications plus poussées, c’est à lui qu’il faudra
t’adresser.
- Est-ce que…
- Tu es dans le même cas que nous ? Demanda-t-il en finissant
ma phrase. D’après toi ? »
Il
tourna son regard vers l’endroit où mon appartement avait été
totalement chamboulé. Cette réponse était plus qu’explicite.
J’avais été attaqué par des choses qui défiaient mon
entendement. Pourquoi, comment me défendre, comment savaient-ils que
j’étais là.
« -
Que se passera-t-il si l’un d’entre eux m’attrape ?
- Je te déconseille la curiosité sur ce point là. Mais d’après
Alphonse, tu gagnes un aller-simple pour l’Enfer, où tu te fait
bouffer quasiment immédiatement.
- Comment cela ?
- Tu lui demanderas. Y’a des trucs que je ne préfère pas comprendre. Simple question de survie.
- Tu lui demanderas. Y’a des trucs que je ne préfère pas comprendre. Simple question de survie.
- Et, quelle est la suite ? » Demandais-je réellement
inquiète de l’avenir.
Je
le vis poser son café avant de me regarder sans aucun sentiment.
Dans ses yeux, je ne vis rien, aucune compassion, aucun ressentit,
comme s’il récitait quelque chose d’appris il y a longtemps.
« -
Y’a deux suites possibles : la première, tu restes ici. Tu
continues a essayer de vivre normalement… Et avant la fin de la
semaine on mets tes restes dans une boite en bois et on enterre le
tout à une profondeur de six pieds. A moins que tu ne préfères la
crémation, cela dépendra de ton testament. La seconde, tu
déménages, tu viens vivre avec nous à coté du cimetière, et tu
vis un peu plus longtemps vu que l'on se protège les un les autres.
Petite précision : je ne suis venu que pour te proposer les
choix possibles, c’est à toi de voir comment cela doit se finir.
- Est-ce que tu peux me donner dix minutes pour réfléchir ?
- Prends tout ton temps. »
En
faisant l’analyse des propos qu’il m’avait tenus, j’étais
dans de sales draps. Si je ne faisais rien, je serais assassinée
(avant la fin de la semaine, selon lui). Mais la perspective de vivre
dans une vieille maison, à coté d’un cimetière avec tout un tas
de personnes dont j’ignorais tout me déplaisais au plus haut
point. Pourtant, avais-je le choix ?
« -
Est-ce qu’il y a une solution pour ne plus être pourchassée ?
Demandais-je soudain.
- On la cherche tous.
- Mais est-ce qu’elle existe ?
- Pas la moindre idée. Mais ça n’empêche pas de chercher. »
Je
posais mon mug et allais dans le salon. Je m'y assis, avant de poser
mon visage dans mes mains. Il me suivit dans la pièce, a distance
respectable, toujours en buvant de temps en temps une gorgée de
café.
« -
Combien de temps cela durera ? Demandais-je en sentant des
larmes couler sur mes joues.
- Cela dépendra de ta capacité à survivre. Certains ne font que
quelques heures. D'autres, comme Alphonse, arrivent à tenir des
années.
- Ils finissent un jour par t'attraper, n'est-ce pas ? »
Il
ne répondit pas, se contentant de ne pas me quitter des yeux tout en
buvant dans le mug. Dans mon esprit, tout se mélangeait, mais, je
savais que je devais prendre une décision. Rapidement même. Mes
plans de vie à long terme étaient bon à jeter aux orties. Il ne me
restait que des objectifs à court termes. Le plus urgent, comme il
venait de me le dire, était de survivre. Je choisis donc de les
rejoindre et attendant de trouver une solution à cette situation.
Avec le recul, je me dit que j'ai vraiment été inconsciente de
suivre cet homme dont je connaissais à peine le nom et qui
m'annonçait que si je ne faisais rien, avant la fin de la semaine,
je serais décédée.
« -
Que dois-je prendre ?
- Pour le moment, juste des vêtements et quelques les quelques
affaires qui te semblent importantes. On viendra chercher la suite ce
week-end avec un camion, on aura plus de bras également. »
Sans
grande motivation, je me suis levée et partis chercher mes deux
valises à roulettes dont je me servais pour mes déplacement en
vacances. Lentement, mais sûrement, mes affaires commencèrent à
remplir mes valises. Étrangement, Jocelin me demanda de ne pas
oublier la tenue dans laquelle nous nous étions rencontrés. Tandis
que je faisais mes bagages, je le vis arpenter mon appartement à la
recherche de quelque chose, ouvrant mes placard, mes tiroirs et tout
ce qui pouvait contenir un objet. Même les trappes de visites pour
les entretiens des canalisations ou de la ventilation furent
ouvertes. Mais lorsque je l'interrogeais sur ce qu'il cherchait, il me
répondit un simple :
« -
Quelque chose d'utile pour plus tard. Mais y'a rien ici, nus allons
devoir chercher ailleurs.
- Quoi donc ?
- Une arme. Quelque chose pour te défendre.
- J'ai ça si cela peux t'être utile. Dis-je en lui montrant le
taser.
- Un démon va te rire au nez avec ce machin. » Me
répondit-il avec un sourire en secouant la tête.
Je
compris alors que le taser n'avais pas été défectueux la nuit
dernière. Mais qu'il n'avait simplement pas été adapté à mon
adversaire. J'allais le ranger dans mon sac à main, par habitude
plus que par réelle envie de le faire. Mais sa main stoppa mon
geste.
Il
s'était rapidement déplacé sans faire aucun bruit. Et m'avais
stoppé dans mon élan. Je le regardais, terrifiée, ne comprenant
pas ce qu'il était en train de faire. En l'occurrence, il m'ignorait
complètement. Se contentant de regarder l'objet entre mes mains avec
un intérêt non dissimulé.
« -
Tu l'avais dans les mains quand l'autre crétin t'a frappé ?
- Oui. Murmurais-je, inquiète. En me remémorant l'énorme coup de
point que j'avais reçu en plein ventre.
- C'est la première fois que je vois ça...Ne le range pas trop
loin. » Dit-il en me lâchant et en faisant une nouvelle fois
le tour de l'appartement.
Je
rangeais l'appareil d'autodéfense dans mon sac. En m'interrogeant
sur le bien fondé de ce que j'étais en train de faire, je
continuais à ranger mes affaires. Et, en moins d'une heure, j'avais
fini de faire mes deux valises.
« -
Prête ?
- Ai-je le choix ?
- On a toujours le choix. Le tout c'est d'assumer les conséquences.
- Alors je suis prête.
- Tu es consciente que c'est un aller simple ?
- Nous verrons.
- J'adore ta manière de penser. Mais je suis d'accord :
chaque chose en son temps. »
Si
vous pensiez qu'il m'aurait aidé à déplacer les valises,
détrompez-vous. Il me laissa les porter jusqu'à la petite voiture
sur le parking en bas de l'appartement, une deux chevaux décapotable
blanc cassé. Encore heureuse que mon immeuble ait été conçu avec
un ascenseur. Les portes et le coffre s'ouvrirent avec des
grincements peu rassurants. Je n'osa pas lui demander si le contrôle
technique de cette antiquité était encore valide. Et je
m'installait moi aussi sur la banquette avant de la vieille citroën.
Comme pour lui, le véhicule grinça et bougea à ma montée, et la
porte claqua avec un bruit de casserole.
Tandis
qu'il cherchait à démarrer le véhicule, j'étudiais l'intérieur
en ouvrant un peu la fenêtre. Une odeur de tabac froid empestait
tout l'habitacle et me faisait un peu tourner la tête en plus de
m'irriter la gorge. Il n'y avait rien d'autre que le strict
nécessaire à la conduite dans ce véhicule, pas de fioritures, pas
d'autoradio, de GPS ou même d'allume-cigare. L'antiquité démarra
au second essai de mon chauffeur qui me regarda avec un grand
sourire.
« -
Avoue-le, tu n'y croyais pas. »
Je
ne répondis rien.
J'étais
terrifiée à l'idée que le véhicule ne tombe en morceaux tant il
vibrait. J'entendais clairement le bruit du moteur alors qu'il
manœuvrait pour sortir du parking en bas de mon bâtiment. Je n'ai
jamais vraiment été croyante, mais, je suis sûre que ce jour-là,
j'ai prié pour arriver entière à notre destination.
Lorsque
l'engin infernal s'arrêta, nous étions arrivés devant la petite
maison à coté du cimetière. Cette maison que j'avais quitté la
veille avec colère. Une bâtisse de quatre étages, faites de pierre
et de béton avec deux fenêtres à chaque étage. Sur le toit, les
chiens-assis informaient que les combles avaient été aménagées. Le
grincement du coffre me rappela que j'avais encore des bagages à
déplacer. Là encore, Jocelin ne m'aida pas, mais il me regarda
traîner les deux valises. La rue était peu fréquentée, avec des
rangées de voitures garées de part et d'autre de la chaussée. Il y
avait aussi quelques maisons avec jardin, mais pas beaucoup. Le calme
régnait dans ce quartier.
Derrière
mon guide, j'entrais dans la vieille maison et refermait derrière
moi.
« -
Alphonse, cria-t-il, dans la maison, elle est là. Je te la laisse. »
Si
vous avez déjà été considérée par quelqu'un comme un boulet ou
un poids-mort, vous devez certainement imaginer ce que j'ai dû
ressentir ce jour là. Pourtant, je me mis à tout intérioriser :
je voulais des réponses sur ce qui se passait. Et ces gens
semblaient être les seules personnes à savoir ce qu'il se passait
réellement.
Je
reconnu l'entrée, et le salon ainsi que la cuisine américaine sur
ma droite. Mais je remarquais alors la porte à gauche. Elle
s'ouvrit, laissant le vieil homme sortir. Il m'adressa un sourire
franc et chaleureux en m'identifiant.
« -
Venez, laissez donc vos affaires dans l'entrée. Pour le moment, nous
avons a discuter, je vous en prie, installez-vous dans le salon. »
Je
me dirigeais dans vers la pièce, me remémorant comment j'avais
repris connaissance la dernière fois.
« -
Du thé ?
- Pardon ?
- Voulez-vous du thé ? J'ai un très bon thé vert qu'un de
mes ami chinois m'a donné il y a quelques jours. En voulez-vous une
tasse ?
- Oui, merci. Répondis-je.
- C'est avec plaisir. Surtout que les bonnes choses font du bien
quand on passe une nuit mouvementée. »
Mes
réflexions disparurent en un instant et mon intérêt se reporta sur
le vieil homme. Il préparait une théière tandis que la bouilloire
commençait à chauffer.
« -
C'était vous ?
- De quoi ? Le bazar ?
- Oui. Est-ce que vous êtes responsable de ce qui s'est passé ?
- J'ai une part de responsabilité là-dedans. Mais je parlais
surtout du fais que moi non plus je n'ai pas dormi. Je me suis
beaucoup inquiété pour vous. Mais je vais vous expliquer tout cela
devant un bon thé. »
La
bouilloire s'éteignit toute seule avec un claquement sec. Et
Alphonse la prit pour en vider une partie dans la théière en fonte.
Je le vis se rapprocher avec un plateau rempli de petits gâteaux,
des tasses et la théière. Rapidement, il servit deux tasses de thé
avant de s'installer sur le même siège que celui sur lequel je
l'avais vu lors de ma reprise de connaissance.
« -
Pour commencer, ici, vous êtes en sécurité. Ne vous inquiétez pas
de savoir s'il va se passer des choses étranges. Il s'en passera,
mais vous ne risquez rien. Bien, que vous a dit Jocelin, que je sache
un peu par où je dois commencer mes explications.
-
Il a été très évasif, mais il a dit que vous aviez toutes les
réponses.
- Mais il vous a confirmé pour le démon ?
- Oui.
- Et désormais, vous me croyez.
- Oui. Dis-je avec difficultés.
- Alors nous allons pouvoir passer à la suite. »
2 commentaires:
argh! je reste sur ma fin!!
je veux une suite!!!!
ça vient, ça vient ! ^^
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