Nous nous approchâmes doucement du
salon. Jocelin nous vit, et d’un signe discret, nous intima de rester cachées.
Dès les premiers mots prononcés par l’invité, je compris qu’il s’agissait d’un
démon. Instinctivement, j’attrapais la manche de Vanessa. Cette dernière fronça
les sourcils. Plus question de gentillesses dans le cas présent.
« - Je vous sens… tendus.
Pourtant, je ne suis venu sans intentions belliqueuses.
- Voyons, fit la voix d’Alphonse dans le salon, vous n’allez tout de
même pas nous reprocher de prendre nos précautions.
- Loin de moi une telle idée, j’étais venu pour rencontrer la nouvelle
recrue de la Brigade, mais je suis déçu, elle ne se présente pas.
- La Brigade ? Demanda Jocelin.
- Ah, oui, j’ai probablement oublié de le préciser, mais, c’est le nom
que porte votre petit groupe dans les mondes souterrains. Je dois vous dire que
vous cultivez à la fois l’envie et la crainte. Certains se demandent même s’il
ne serait pas judicieux de vous attaquer tous en même temps.
- Mauvaise idée. Fit un autre interlocuteur.
- Je ne vous le fait pas dire. Les conséquences seraient désastreuses,
pour vous comme pour nous. Maintenant que ces dames nous ont rejoints, pourquoi
ne pas faire les présentations. ? Je vous en prie, montrez-vous. Je promets
que je ne ferais rien de dommageable. »
Jocelin nous regarda de nouveau un
instant, avant de s’écarter du passage entre le salon et le couloir. Vanessa
s’avança, et je la suivi dans le salon, terrifiée. Là, assis sur son siège,
Alphonse me regardait avec un air passablement ennuyé. Un peu partout, il y
avait plusieurs personnes dont j’ignorais les noms. Un grand noir dans un
survêtement orange, une personne d’origine maghrébine avec un pantalon en jean
et une chemise blanche et une femme rousse un peu enrobée portant une robe d’un
bleu uni. Etait également présent, Asami, Vanessa, et derrière moi, Jocelin.
Mais l’individu qui me mettait franchement mal à l’aise était debout au milieu
du salon. Il portait l’un de ces costumes à la mode au début du siècle dernier.
Du haut de forme aux chaussures propres et nettes il n’était pas à la bonne
époque. Le pardessus noir et le pantalon beige était typique de même que sa
veste grise sur une chemise blanche. Mon regard croisa le sien, et je fus
immédiatement hypnotisée. Les yeux d’un rouge sombre éclairaient le visage d’un
superbe jeune homme. Mais le sourire qu’il me fit était tout sauf amical. On
aurait dit un prédateur tentant de charmer sa proie. Un mélange entre de
l’amusement et le sourire d’un carnassier se savant bien plus puissant que sa cible.
« - Nous nous rencontrons enfin
Mademoiselle Clanford. Je suis enchanté de vous rencontrer. Me dit-il en
mettant la main à son chapeau.
- Qui êtes-vous ? Demandais-je en un murmure à cet homme trop poli
pour être réellement honnête.
- Qui ? Ahlala… Comme je regrette l’ancien temps où les hommes et
les femmes posaient bien moins de questions face au surnaturel. Surtout quand
ils connaissent la réponse… »
Tout en parlant, il se rapprocha
doucement de moi, sans jamais quitter ce sourire malsain.
« … Voyons voir si vous pouvez
répondre à votre question. Qui suis-je ?
- Un démon. Murmurais-je.
- Difficile de faire plus évident. Ensuite ?
- C’est moi que vous voulez.
- Deux points. Mais encore. ?
- C’est vous qui m’avez agressé.
- Là par contre, vous me décevez. »
Il s’arrêta à quelques centimètres de
moi, son visage beaucoup trop près du mien. Ses yeux pénétrant les miens
comme des barres de fer rougies par une chaleur infernale. Soudain, il les
ferma et huma l’air au-dessus de ma tête.
« - Hum… Quel fumet. Dit-il avant
de me regarder de nouveau, Ma chère, désormais, je comprends pourquoi ils en
ont après vous : Vous êtes délicieuse. »
Une main gantée se posa sur ma joue.
Rapidement retirée par Jocelin qui intervint quasiment immédiatement.
« - De quoi te mêles-tu ?
Butor !
- Et toi ? Ta mère ne t’a jamais appris qu’il ne fallait pas jouer
avec la nourriture ?
- Monsieur, nous sommes tous présents. Vous désiriez nous parler, nous vous écoutons. » Coupa Alphonse.
- Monsieur, nous sommes tous présents. Vous désiriez nous parler, nous vous écoutons. » Coupa Alphonse.
L’homme en habits du début du vingtième
siècle regarda autour de lui pour s’assurer que son auditoire était suspendu à
ses paroles. Satisfait de faire attendre ses interlocuteurs il commença :
« - Je m’appelle Azraël. Et je
suis venu pour vous proposer un pacte. Un de ceux qui sont particulièrement
intéressants.
- Abrège. Déclara l’homme en survêtement sans desserrer les dents
- Je vous propose de pouvoir finir vos vies tranquillement sans attaques
d’aucunes sortes… contre… cette femme. »
Le dénommé Azraël avait fini sa phrase
en me regardant d’un air faussement langoureux, avant de finir par un clin d’œil.
A cette proposition, tout le monde parla. Entre ceux qui voulaient des
précisions, ce qui refusaient tout net, et ceux qui étaient prêts à accepter. Il
avait réussi à générer la zizanie dans le petit groupe en un minimum de temps,
et dans tout le brouhaha, nous ne nous quittâmes pas des yeux. J’étais
terrifiée, moi qui pensais avoir trouvé un refuge, un havre de paix, voilà que
tout s’écroulait. Il goutait sa victoire et, déjà, savourait mentalement mon
âme.
« Silence ! »
L’ordre fut immédiatement suivi par
l’ensemble des protagonistes présents. Surpris, et un peu frustré, Azraël se
retourna lentement vers le vieil homme qui avait calmé tout le monde d’un seul
mot.
« - Merci d’être passé nous voir.
Votre offre est refusée, si vous n’avez plus rien à faire ici, veuillez quitter
ces lieux.
- Vous imposez votre avis ?
- Non, j’ai compris le pacte et ce qu’il impliquait. J’ai même identifié
à quoi il servait réellement. Jocelin, ramène monsieur à l’entrée je te prie,
que je puisse expliquer à tout le monde de quoi il retourne.
- Espèce de vieux renard… » Murmura le démon avec un regard noir en
direction du vieil homme souriant, apparemment fier d’avoir vu quelque chose
que personne n’avait pu identifier.
Azraël ne pouvait plus cacher sa colère
et sorti par la porte du cimetière plutôt que par la porte d’entrée. Je le vis
disparaître rapidement dans les ténèbres de la nuit, en marchant sur le chemin
de terre parmi les tombes.
« - Allez les enfants, à table.
Asami ? Qu’as-tu donc préparé ?
- Soupe de pâtes. Mais…
- Eh, Alphonse, c’est quoi cette histoire ? demanda la femme en
robe bleue. Pourquoi cette décision ?
- Ida, est-ce que notre visiteur a parlé de rédemption ? Non.
Commença le vieil homme en s’installant à table. Ce qui signifie qu’en dehors
de leur avoir fourni Lena, la finalité, pour nous, n’a toujours pas changé.
L’enfer nous attendra le temps qu’il faudra, mais ils nous auront. En revanche,
ce qui me gêne au plus haut point c’est que je n’ai jamais vu aucun de nos
chasseurs s’intéresser autant à une âme brisée en particulier.
Lena ? »
J’avais regardé le départ d’Azraël par
la fenêtre, tétanisée d’avoir réchappé à une fin des plus horribles. Ce ne fut
que lorsque Vanessa posa sa main sur mon épaule que je sortis de ma torpeur en
sursaut.
« - Est-ce que tout va bien ?
Me demanda-t-elle, réellement inquiète de mon état.
- Non, pas vraiment. Réussi-je je ne sais comment à articuler.
- Lena, viens t’asseoir. Viens, et mange, cela te fera du bien. »
Me dit gentiment Alphonse.
Sans un mot, et avec beaucoup de
difficultés je m’installais à une place à table. L’homme venu d’Afrique du nord
m’aida à m’installer avec beaucoup de gentillesse, puis il s’assit à ma droite,
un grand sourire sur le visage. Je sentis que Vanessa prenait place juste à
côté de moi.
A l’autre bout, je vis Asami distribuer
de gros bols qu’elle remplissait d’une soupe asiatique dans laquelle baignaient
des pâtes. Elle rajoutait à chaque fois une pincée d’un mélange de légumes.
« - Bon, ok, l’autre a essayé de
nous baiser. Quelle est la suite ? Demanda Asami en donnant un bol pour le
faire tourner.
- Je ne sais pas trop. Dit le vieil homme en s'attachant une serviette
autour du cou. Lena, est-ce que tu connais la raison pour laquelle ils te
pourchassent ainsi ?
- Non, dis-je en passant un bol à ma voisine, l’esprit dans un état
second. Je suis quelqu’un de tout à fait banal. J’avais une vie simple et
normale avant que tout cela n’arrive… c’est un vrai cauchemar…
- Ah, ça, répondit-il avec fatalisme, malheureusement, nous ne pouvons
rien y faire. Accepte la situation, tu verras, ça sera plus facile à vivre.
Demain, j’aimerais que tu te reposes, tu resteras avec moi. Puis, samedi et
dimanche, nous irons chercher les affaires qui te manquent. Enfin, lundi, tu
reprendras ton travail avec l’un d’entre nous pour te protéger. Je me dis que
lorsque ton pouvoir apparaîtra, nous en saurons peut-être plus sur les raisons
d’un tel acharnement.
- Est-ce qu’on l’emmène à l’usine demain ? demanda Vanessa.
- Pourquoi pas ? Répondit Jocelin, Je suis pour, au moins elle
pourra voir jusqu’où cela peut aller. »
Les uns après les autres les différents
protagonistes hochèrent la tête.
« - L’usine ? Demandais-je
naïvement en voyant quelques sourires entendus s’échanger autour de la table.
- Là où nous nous entraînons. » Me dit simplement Alphonse en souriant.
Le reste de la conversation passa au
déroulement de la journée des différents locataires du petit immeuble. Ce qui
s’était passé avec Azraël, il semblait que tout le monde l’avait oublié. Comme
si cela était quelque chose de normal. Moi, cela m’était resté sur le cœur.
J’avais déjà entendu pas mal d’histoires horribles notamment par
l’intermédiaire de la télé. Mais de là à considérer un être humain comme une
simple bête à conduire à l’abattoir me révoltait au plus haut point. De plus,
proposer de m’acheter à mes colocataires relevait du plus mauvais gout.
Lorsqu’Azraël avait fait sa proposition, je crus réellement que mes sauveurs
allaient se transformer en bourreaux. Mais grâce à la sagesse d’un vieil homme,
le pire, dans mon cas, avait put être évité.
Au cours du repas, j’appris les noms
des autres habitants : le grand noir en survêtement s’appelait Paul, la
rousse en robe bleue, c’était Ida, et mon gentil voisin de droite se nommait
Ahmed. Je constatais qu’il y avait une bonne ambiance dans cette petite bande,
quels que soient les âges, les sexes ou les origines, tout le monde faisait
preuve de beaucoup d’humour.
Je me sentais un peu étrangère dans
cette famille de toutes les couleurs.
Je constatais soudain que je n’étais
pas la seule à être à part. Jocelin se contentait de sourire à une remarque ou
à une blague. Mais il ne disait rien, il ne se mêlait pas aux conversations.
Le repas fut à la fois copieux et
délicieux. J’ai souvent été mangé dans des restaurants asiatiques, mais quand
c’est fait maison, croyez-moi, ça n’a rien à voir. Même quand c’est une simple
soupe qui ne paye pas de mine.
Le repas se fini sur du fromage et des
fruits. C’est durant cette période que Jocelin, qui avait gardé le silence
toute la soirée posa une question qui stoppa tout le monde :
« - Est-ce que ce ne serait pas
une bonne idée que d’amener Lena au café des illusions ?
- Je ne crois pas Jocelin. Le café des illusions n’est pas un lieu
fréquentable dans sa situation.
- Attends Alphonse. A quoi penses-tu Jocelin ? demanda Ahmed.
- Je pensais à Marianne, elle pourra certainement nous fournir des infos
sur les raisons qui poussent les démons à attaquer Lena…
- Qui est Marianne ? Glissais-je à ma voisine.
- Une medium.
… Sinon, il va falloir capturer un de
ces salauds pour le faire parler. Continua-t-il.
- Je ne suis pas convaincu. Dit mollement le vieil homme en me
regardant.
- Eh oh, une minute, intervins-je, c’est de ma vie dont on parle.
J’estime avoir aussi voix au chapitre.
- Bien sûr, mais il est absolument nécessaire de que tu comprennes que c’est
un endroit dangereux. Si tu veux y aller, je te conseille fortement d’attendre de
savoir te défendre. Ce ne sont pas des enfants de cœurs. Pour reprendre les
paroles de Paul :’’ on n’a qu’une seule vie, et y’a pas de continue
disponibles’’. »
Cette dernière phrase me fit comprendre
que le vieil homme avait raison, je venais d’entrer dans ce monde fantastique,
et j’avais déjà pu voir à quel point cela pouvait être dangereux. Mais ce fut
ce soir-là que je décidais d’aller voir cette médium. Mais il fallait
absolument que je sois capable de faire face à tout adversaire avant cela.
4 commentaires:
et encore une fois je veux la suite... tu as décidément une sacré plume!!!
Merci !! Je l'écris dés que j'ai le temps pour cela
une suite et vite!!!!
par contre il manque un mot
"Il s’arrêta à quelques centimètres de moi, son visage beaucoup trop du mien. " dans cette phrase je pense le mot "près" je pense!
Exact le mot est manquant. Je corrige tout de suite.
Pour la suite, je suis en train de l'écrire, elle arrivera... quand elle arrivera... ^^
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