Nous
montâmes dans plusieurs voitures, et Alphonse insista pour que je
fasse le trajet dans la deux-chevaux de Jocelin. Je dû faire un gros
travail sur moi-même pour trouver le courage de monter dans ce
véhicule d’une autre époque. Mais, finalement, je me laissais
convaincre en me disant qu’il y avait certainement une raison à
cela. Notre petit convoi se composait de trois voitures, en premier
la plus lente : la deudeuche crème, ensuite venait une Renault
Clio verte, puis une Nissan Swift rouge aux vitres teintées. Nous
nous engageâmes sur l’autoroute en direction de l’Est.
Ce
fut la première fois que je quittais la région parisienne. Je
n’avais jamais ressenti le besoin de quitter cette région,
même pour les vacances. Jusqu’à présent, je passais mes congés
à visiter les différents musées de la capitale la journée et
passais mes nuits en boite. Donc, pas d’envie particulière de mer,
de campagne ou de montagne. Je vis pourtant peu à peu les
constructions disparaitre, pour laisser place à de la campagne.
Dehors le soleil commençait à se coucher dans de belles couleurs
rouge et orange. Le bruit, dans le véhicule était infernal,
personne ne pouvait parler, tant le véhicule avait du mal à nous
trainer à cent kilomètres à l’heure. Nous étions quatre,
devant, au volant, Jocelin conduisait d’une main, accoudé à la
portière. A côté de lui, Vanessa regardait la route. Sur la place
passager gauche, un sac à dos en forme d’énorme lapin blanc sur
les genoux, Paul regardait le paysage défiler par la fenêtre.
Après
être sorti de l’autoroute, nous traversâmes de nombreux villages
avant de nous arrêter devant une usine désaffectée. Je vis Ahmed
sortir d’une voiture pour nous ouvrir le portail, et les trois
voitures entrèrent dans la cour devant le bâtiment.
Je
descendis tandis que l’astre solaire commençait à disparaître
derrière l’horizon. L’usine, telle qu’ils l’appelaient était
là. Une grande bâtisse faite de béton recouvert d’une peinture
jaune qui ne pouvait cacher les fissures. La jonction entre les murs
et le toit étaient réalisé par de nombreux vasistas. Mes pieds
foulèrent le sol de terre battue et j’entrais à la suite de
Vanessa dans le bâtiment. C’était une immense cathédrale de
béton avec des colonnes circulaires de quarante centimètres de
diamètre qui soutenaient le toit lui aussi bétonné. C’était
vide, mais sans détritus, seule la très grande quantité de
poussière qui recouvrait le sol témoignait de l’abandon de cet
endroit. Nos pas résonnaient sur les murs, nous rendant plus
nombreux que ce que nous étions réellement.
Je
les suivi jusqu’à un bâtiment dans le bâtiment, sur la droite.
Sur deux étages, ce dernier était probablement les restes de ce
qu’étaient les bâtiments administratifs. A l’intérieur, le
mobilier de bureau avait été remplacé par des canapés et des
tables basses.
Nous
nous réunîmes dans la petite pièce, et ce fut Alphonse qui donna
ses directives.
« -
Aujourd’hui, on va faire simple si vous n’y voyez pas
d’inconvénients, chacun s’entraîne dans son coin, sauf Lena,
Ahmed et ceux qui veulent travailler en double. Ahmed, forme-là s’il
te plait, qu’elle apprenne à utiliser son taser.
- Bien sûr. Venez, on va se mettre à part, ça risque de chauffer
un peu quand les autres vont se défouler. »
Je
me mis à le suivre dans les escaliers pour monter à l’étage de
la zone administrative. D’une oreille, j’entendis Paul dire haut
et fort :
« -
Je sens que je vais bouffer du lézard aujourd’hui.
- Ouais… c’est ça. T’es pas crédible ‘’Polochon’’.
Répliqua Jocelin
- Arrête de m’appeler comme ça ou je t’éclate !
- Essaye un peu pour voir. ! »
Le
reste de la conversation me fut inaudible et je rejoignis Ahmed. Je
pus alors mieux discerner le personnage : il devait avoir dans
les quarante ans et son visage un peu ridé m’envoyait un sourire
des plus enjôleurs. Sa chemise blanche était glissée à
l’intérieur de son pantalon en jean et le tout était retenu par
une ceinture noire. A ses pieds, une paire de baskets de moyenne
gamme un peu élimées lui donnaient un air décontracté. Il avait
des cheveux courts qui viraient au blanc et qui contrastaient
beaucoup avec ses yeux d’un noir très profond.
« -
On se tutoie ?
- Bien sûr.
- Alors nous allons commencer par regarder les autres, ensuite,
nous descendrons et vous vous y essayerez.
- D’accord.
- Approches-toi de la fenêtre, j’ai entendu Paul et Jocelin, je
crois qu’ils vont chahuter un peu. Ça risque d’être
intéressant. »
Alors
que je m’approchais du quadragénaire, je vis Jocelin, le gothique,
courir à reculons. Il regardait quelqu’un ou quelque chose avec un
grand sourire. Arrivé à une distance respectable, il s’arrêta et
rabattit une épaisse capuche noire sur son visage. Je vis alors sa
main gauche briller légèrement tandis que sa morphologie changeait.
Il devint plus gros, plus grand, au point d’atteindre dans les deux
mètres cinquante de haut. Je n’aurais su le dire clairement à ce
moment-là, mais je fus persuadée d’avoir vu une épaisse queue
lisse et argentée dépasser du manteau noir. A ma grande surprise,
ses vêtements s’adaptèrent à sa nouvelle et étrange forme. Il
releva légèrement la tête, et vis soudain que la capuche avait
grandie et qu’une gueule avec des dents acérées comme des
poignards se mouvait dessous.
« -
Allez boucles d’or ! Envoi tes ours, j’ai besoin d’une
descente de lit ! »
La
voix était grave et rugueuse. Rien à voir avec celle du jeune homme
que je connaissais. Pourtant, l’intonation était là.
« -
Je me demande si tu te sépares aussi de ta queue quand tu as
peur ? »
Paul
s’avançait vers lui, avec les trois ours qui avaient ravagé mon
appartement et le lapin en peluche sur le dos. Il portait des gants à
moumoute et des chaussons de monstres comme ceux des enfants. J'eus
peur pour Jocelin, j’avais vu à quel point les ours pouvaient être
dangereux quand ils étaient ensemble. L’un d’entre eux
s’échauffait la nuque, un autre les poignets et le troisième
sautillait.
Soudain,
suite à un top départ invisible, les ours se jetèrent sur Jocelin,
qui les balaya d’une seule main avant de se précipiter sur Paul.
Ce dernier esquiva tandis que les ours revenaient à la charge.
« -
Il faut les arrêter, ils vont se faire du mal.
- Non, là ils chahutent comme des gosses. Me répondit Ahmed alors
que l’ours bleu s’écrasait contre la vitre suite à un nouveau
coup de Jocelin. Mais tu vois ici les deux types de pouvoirs auquel
nous pouvons faire appel. Le type direct : celui de Jocelin, qui
transforme son utilisateur, ou l’arme en conséquence. Et il y a
celui du type indirect, comme les ours de Paul, qui lui permet de
faire intervenir des alliés. Autre chose, en dehors des chaussons et
des gants de Paul, les vêtements qu’ils portent tous les deux sont
ceux qu’ils portaient quand ils sont été transformés… »
Je
regardais mon professeur tandis qu’il récitait sa leçon. Il avait
changé d’expression, il était dur et froid.
« …
Cela a le mérite de renforcer tes pouvoirs, mais a tendance à
attirer les démons. Une utilisation à double tranchant. Ici, dans
ce lieu que nous avons protégé avec nos moyens, nous pouvons
apprendre à nous maîtriser. Généralement, nous nous entraînons
en solo pour connaître nos limites, mais parfois, comme Paul et
Jocelin, nous simulons un vrai combat. Et toi ? Est-ce que tu as
déjà fait un sport de combat ?
- Non. A peine un peu de gymnastique quand j’étais enfant.
- Alors il va falloir que tu t’y mettes. On va redescendre, je
pense que tu en as assez vu, ça va être à toi d’agir
maintenant. »
Nous
descendîmes par les escaliers. Dans l’usine, les deux combattants
faisaient un bruit de tonnerre. Je vis Asami, assise en tailleur face
à une grande cuve de récupération d’eau. Quelque chose de rouge
se déplaçais lentement dedans. Dans un sens, puis un autre.
Alphonse jouait de la flute traversière face à un parterre de
fleurs qui s’ouvraient et se fermaient sur la mélodie. Mais
c’était la manière dont se battaient les deux hommes qui était
la plus impressionnante : Paul utilisait ses ours comme des
assaillants de première ligne et s’esquivait dès qu’il le
pouvait. Quand il ne le pouvait pas. C’était le lapin qu’il
avait sur le dos qui rentrait en action. Des pattes où des oreilles,
il stoppait la frappe de Jocelin. Deux ou trois fois, ce fut avec ses
pattes arrière que Paul se propulsa dans les airs. De son côté,
Jocelin semblait gêné par les ours, mais pas vraiment inquiété.
Sa force et sa rapidité avaient été démultipliées. Mais même
ainsi, c’était particulièrement difficile.
« -
Hého ?
- Oui ? Dis-je en me focalisant de nouveau sur Ahmed.
- Sort le taser, et fait un essai : y’a pas d’eau
actuellement. »
Dernièrement,
à chaque utilisation de cette arme d’autodéfense, je finissais
dans les pommes. Aussi, c’est sans grande motivation que je le
sorti de mon sac à main. Il était toujours le même, noir mat avec
ses deux petites électrodes, sa garde et son halo bleuté. J’avais
réellement peur d’appuyer sur la détente, j’en étais
tétanisée.
« -
Ne t’inquiètes pas, ici, tout ira bien. » Me dit Alphonse
avec un grand sourire.
Un
par un, je les regardais, cherchant au fond de leurs yeux une raison
de douter de la confiance que je leur portais. Même Jocelin et Paul
s’arrêtèrent un instant pour m’encourager silencieusement.
Lentement, je dirigeais le taser vers un endroit vide, puis, prenant
mon courage à deux mains, j’appuyais sur la détente.
La
lumière fut éblouissante. Des arcs électriques sortirent de
l’appareil dans tous les sens. Ils frappaient les murs, le sol, et
même les lumières et le toit dans un bruissement de tonnerre. Puis,
soudain, les différents arcs tournoyèrent pour tresser une longue
corde.
Une
fois fini, j’avais entre les mains un taser qui se finissait en un
fouet d’une couleur irréelle. Un bleu lumineux. J’ai longtemps
cherché à le comparer à quelque chose d’existant, et, sur
internet, je n’ai trouvé que l’effet Tcherenkov pour approcher
la couleur. Ceux qui travaillent dans les centrales nucléaires
savent certainement de quoi je parle. Cette couleur bleue, lumineuse,
étrange, qui sort totalement de notre monde. Le fouet trainait au
sol, de temps en temps, un petit arc électrique rappelait sa
matière. Il était long de trois mètres cinquante, et, les éclairs
qui le formaient avaient tissés un complexe réseau en son sein.
Tout
le monde était bouche bée.
« -
Il ne lui manque plus que le corset et les cuissardes. »
Vanessa,
fière de sa remarque, fut prise d’un fou rire. Et, tout rire étant
communicatif, les uns après les autres, les membres de la brigade
souriaient pour les plus discret, riait franchement pour les plus
expressifs. Moi,
toujours sous le choc d’avoir quelque chose d’aussi beau et
fantastique entre les mains, je m’interrogeais sur ce qu’elle
voulait dire (Je ne compris que plus tard l’allusion
à un costume Sadomasochiste !)
« -
Lena, est-ce que tu sais t’en servir ? Me demanda Ahmed
- Non. Ce n’est pas le genre de chose que j’utilise
d’habitude. »
Vanessa
hurla de plus belle en marmonnant quelque chose sur des talons
aiguilles. Elle pleurait de rire, Alphonse me tournait le dos et se
tenait l’arête du nez en regardant le sol. A ses haussements
d’épaule, je compris qu’il faisait de très grands efforts pour
rire discrètement.
« -
Bon, je vais faire un essai. » Dis-je en m’écartant du petit
groupe vers une des colonnes de béton. Je commençais, moi aussi à
être atteinte par ce rire hautement communicatif. Je ne savais pas
me servir d’un fouet, je me suis bien améliorée depuis. Mais,
pour mon premier essai, je n’imaginais pas que cela ferais autant
de dégâts.
Avec
beaucoup de maladresse, je lançais le fouet pour le claquer autour
de la colonne. Le fouet bleu s’enroula autour poteau du béton.
Mais, au moment, où l’extrémité toucha le béton, celui-ci
éclata, coupant le poteau en deux et projetant des éclats un peu
partout. Je fus éjectée en arrière sur un petit mètre, les
graviers et les éclats me cinglèrent, m’occasionnant de multiples
petites entailles.
L'onde
de choc, elle aussi fut terrible. Je retrouvais assise sur le sol
complètement sonnée. Avec, en face de moi un poteau en deux
parties : un espacement de dix centimètres entre la partie
supérieure et la partie inférieure était apparu.
En
un rien de temps, l'ambiance bon enfant avait disparue. Et tout le
monde se précipita à mon secours. Mais je n'avais rien, juste un
peu sonnée.
« -
Oh ? Ça va ? Me demanda Ida.
- Oui, enfin, je crois.
- On aurais dit que la foudre a touché le poteau. Dit Ahmed
- Je crois que c'est le cas.
- Va falloir réparer. Quelle merde ! Dit Jocelin en secouant
la tête
- Je suis désolée.
- Ne vous inquiétez pas Lena : ce n''est pas grave. »
Me rassura le vieil homme.
Intérieurement,
en voyant le trou dans cet énorme poteau provoqué par un objet avec
un halo bleu, je m'interrogeais sur les autres couleurs. Je n'ai
jamais été une fanatique des armes, de par ma nouvelle situation
d'âme brisée, je savais qu'il était absolument nécessaire de
m'équiper. Mais là, je trouvais que les arguments dont je disposais
étaient un peu trop convainquant. Il commençaient même à me faire
peur. Altéré avec le taser, j'avais une capacité de destruction
effrayante. Quel pouvait bien être mon pouvoir de base. Lui qui ne
s'était toujours pas manifesté, avait-il un lien avec le fait que
j'étais plus pourchassée que les autres âmes brisées.
2 commentaires:
la foudre!!!!
je suppose que cela ne sert à rien que je réclame la suite, car tues en train de l'écrire, n'est-pas!
bah allez UNE SUUIITTEEE!!!!!! si te plait!
Salut Atsu !
Comme tu dis, je me "tue" à l'écrire.
Avec un peu de bol, demain, c'est fait.
Merci de suivre les aventures de cette nana complètement poissarde.
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